La défense Scandinave, ou défense Contre-au-centre débute ainsi : 1. e4 d5.
Elle est l'une des plus anciennes ouvertures dont on ait la trace : en 1475, elle fut utilisée lors d'une rencontre entre Francesco di Castellvi et Narciso Vinyoles à Valence, et Lucena en fait mention en 1497. Avec la défense française, elle est une des plus vieilles défenses asymétriques à 1.e4.
Des analyses présentées par des maîtres scandinaves (parmi lesquels Collijn) ont montré qu'elle était jouable pour les noirs. Elle n'a cependant jamais fait l'unanimité chez les joueurs de haut niveau. Jacques Mieses la jouait fréquemment et participa grandement au développement de sa théorie au tournant du XX° siècle. Bent Larsen la jouait de temps en temps, et il battit en l'employant le champion du monde Anatoly Karpov à Montreal en 1979; on observa alors une hausse de la popularité de cette défense. Dans les années 1960-70, David Bronstein et Nona Gaprindashvili la jouaient occasionnellement, et Ian Rogers, dans les années 1980-90 l'utilisait fréquemment. En 1995, la Défense Contre-au-centre fut utilisée lors d'un match de championnat du monde : Viswanathan Anand, qui jouait les noirs, parvint à obtenir une excellente position face à Garry Kasparov, mais perdit malgré tout la rencontre.
La défense Scandinave est classé dans la section B01 de l'ECO.
Table des matières
1 Principales variantes
1.1 2...Dxd5
1.2 2...Cf6
1.3 Alternatives à 2.exd5
2 La Scandinave au cinéma
1 - Principales variantes
Les blancs poursuivent généralement avec 2.exd5, les deux coups principaux à la disposition des noirs étant alors 2...Dxd5 et 2...Cf6 (le Gambit Marshall).
1.1 : 2...Dxd5
Après 2...Dxd5, le coup le plus joué est 3.Cc3, parce qu'il attaque la reine avec gain de temps. Pour contrer 3.Cc3, les noirs ont le choix :
3...Da5, la "ligne classique", est la plus populaire en ce moment.
Une autre réponse noire dont la côte de popularité a monté depuis fin 1990 / début 2000, parce qu'elle a été utilisée par les GMs Sergei Tiviakov et Bojan Kurajica, pour ne citer qu'eux : 3...Dd6, un coup plus dynamique, appelé variante Bronstein ou variante Pytel.
On voit parfois, moins souvent, la retraite 3...Dd8, et 3...De5+?! (la variante Patzer).
On voit aussi, rarement, 3...De6+ (la variante Mieses-Kotroc), dont l'une des idées est qu'après le coup naturel de développement 4.Fe2 (qui pare l'échec), les noirs jouent 4...Dg6, attaquant le pion g2. Ce système n'a pas bonne réputation, car les noirs ne développent que leur dame, alors que les blancs développent toutes leurs pièces. David Letterman joua cette ligne avec les blancs lors d'un match retransmis à la télévision l'opposant à Garry Kasparov, et fut maté en 23 coups.
Revenons à la ligne principale : après 3.Cc3 Da5, les blancs ont le choix entre une multitude de formations. On voit souvent 4.d4 c6 5.Cf3 Cf6 6.Fc4 Ff5 (6...Fg4 est courant également) 7.Fd2 e6. Les blancs disposent à ce moment de la partie de plusieurs bons coups :
l'agressif 8.De2,
le calme 8.0-0, ou
le pittoresque 8.Cd5.
(A noter : les "cornes" en e6 et c6 ressemblent à une formation de type Caro-Kann, et donc, un bon nombre d'amateurs de Caro-Kann qui souhaitent élargir leur répertoire adoptent la Défense Scandinave.)
Après 3...Da5, il est possible d'adopter une autre formation : poster le fou en fianchetto de manière à s'assurer le contrôle de la grande diagonale h1-a8 au lieu de le développer sur la diagonale a2-g8. Suivent les coups 4.g3 Cf6 5.Fg2 c6 6.Cf3 Fg4 7.h3 Fxf3 8.Dxf3 e6.
Pour les joueurs plus audacieux encore, il existe le gambit 4.b4?!. Si les noirs jouent correctement, les blancs n'obtiennent aucun dédommagement pour leur pion sacrifié; toutefois, cela peut s'avérer difficile à prouver.
Parmi les alternatives à 3.Cc3, citons 3.d4, qui permet de transposer dans une variante de la Défense Nimzovits, après 3...Cc6, (1.e4 Cc6 d4 d5 3.exd5 Dxd5); les noirs peuvent également répondre 3...e5. Après 3...Cc6 4.Cf3 Fg4 5.Fe2 0-0-0, les noirs compensent l'avantage blanc au centre (après qu'ils aient joué c4) par un meilleur développement.
3...e5 est une autre ligne possible pour affronter 3.d4. Sur la réponse la plus courante, 4.dxe5, les noirs peuvent soit sacrifier un pion, en jouant 4...Dxd1, soit jouer 4...Dxe5. 4.Dxe5 n'est pas aussi populaire que 4...Dxd1, car la dame se déplace deux fois dans l'ouverture et reste au centre de l'échiquier, ce qui n'est généralement pas conseillé : les noirs risquent en effet de perdre du temps pour la mettre à l'abri. Toutefois, des GMs (Tiviakov par exemple) ont montré qu'il n'était pas si facile de profiter de la position de la dame au centre.
Le coup principal est 4...Dxd1. 5.Rxd1 est habituellement suivi de 5...Cc6; ensuite, si les blancs choisissent de défendre leur pion, suivent les coups Fg4(+) et 0-0-0(+); par exemple : 5...Cc6 6.Fb5 Fg4+ 7.f3 0-0-0+, et les noirs obtiennent des dédommagements suffisants pour leur pion, car leur développement est meilleur et le roi blanc est exposé au centre.
Dans la ligne 2...Dxd5, une autre réponse courante est 3.Cf3, difficile à jouer pour les noirs car les blancs cachent bien leur jeu. Par exemple, après 3...Fg4 4.Fe2 Cc6, les blancs peuvent transposer avec 5.d4, mais disposent également d'autres options, comme le naturel 5.0-0.
Une autre manière de s'opposer à 3.Cc3 est 3...Dd6; ce coup a connu récemment une hausse de popularité. Cependant, au premier coup d'œil, on peut voir qu'il s'agit d'un coup quelque peu douteux, et même si des GMs ont montré que cette variante était jouable, les blancs disposent d'une suite de coups très forte : d4 / Cf3 / g3 / Fg2 / 0-0, puis Ce5 avec une bonne position active.
1.2 : 2...Cf6
L'autre branche de la défense Scandinave est 2...Cf6, parfois appelée Gambit Marshall (d'après le champion d'Echecs américain Frank Marshall, qui jouait ce coup). L'idée consiste à retarder la capture du pion d5 au profit d'un autre coup, ce qui permet d'éviter la perte de temps induite, dans la ligne Dxd5, par le coup 3.Cc3. Les blancs disposent de plusieurs options :
Le coup 3.d4 est appelé Variante Moderne. Le GM John Emms appelle cette variante ligne principale des variantes en 2...Cf6, et déclare : "3 d4 est le choix le plus fréquent des blancs ... et il est facile de comprendre pourquoi ce coup a autant de succès". L'idée de la Variante Moderne est de rendre le pion, dans le but de développer rapidement ses pièces. 3...Cxd5 est la réponse la plus naturelle. Les noirs regagnent le pion, mais les blancs peuvent gagner un peu de temps en attaquant le cavalier. Les blancs répondent généralement 4. c4 (4.Cf3 rencontre également un certain succès). Maintenant, le cavalier doit se déplacer; le plus souvent, on voit 4...Cb6, l'option la plus active (selon Ron Harman et Shaun Taulbut), ou 4...Cf6, "quelque peu inhabituel, mais certainement jouable (selon Emms)." Il existe aussi une troisième possibilité : la sournoise Variante Kiel (4...Cb4?!), qu' Harman et Taulbut décrivent comme "une tentative spéculative". Les noirs espèrent 5. Da4+ C8c6 6. d5? b5!, une suite qui leur donne de bonnes perspectives. Mais les blancs ont à leur disposition de nombreuses alternatives qui leur offrent un large avantage et, en pratique, on ne voit la Variante Kiel que rarement.
3...Fg4!? est une alternative subtile à 3...Cxd5 : on l'appelle Variante Portugaise ou Variante Jadoul. Les noirs laissent tomber le pion d en échange d'un rapide développement et d'un jeu de pièces actif; la partie prend souvent des allures de Gambit Islandais. La suite est : 4. f3 Ff5 5. Fb5+ Cbd7 6. c4. Occasionnellement, on trouve 3...g6, la variante Richter, qui était de temps en temps jouée par Karl Richter dans les 1930's.
3.c4 est une autre réponse relativement courante : les blancs tentent de conserver leur pion d'avance, au prix de l'inactivité du fou de cases blanches. La réponse noire la plus fréquemment rencontrée est 3...c6. La ligne 4. dxc6? Cxc6 (décrite par Emms comme "un vol au maigre butin : un pion"), offre aux noirs une grande emprise sur le centre ainsi qu'un bon développement. Après 3...c6, on voit plus fréquemment 4. d4 cxd5, transposant dans l'attaque Panov-Botvinnik de la défense Caro-Kann. Dans le subtil Gambit Islandais, 3...e6!? (également appelé Gambit Palme), inventé par des Maîtres islandais qui recherchaient une alternative à l'habituel 3...c6, les noirs sacrifient un pion pour pouvoir développer rapidement leurs pièces. On pense que la ligne la plus précise dans cette variante à double-tranchant est 4.dxe6 Fxe6 5.Cf3.
La troisième alternative majeure est 3. Fb5+. La riposte la plus populaire reste 3...Fd7, ce même si le coup plus rare 3...Cbd7 fait l'objet ces derniers temps d'une certaine attention. Après 3. Fb5+ Fd7, les blancs disposent de plusieurs solutions. La plus évidente est 4. Fxd7+, après quoi les blancs peuvent conserver leur pion d'avance avec 4...Dxd7 5. c4. L'ancienne ligne officielle était 4. Fc4, qui menait à de nombreuses subtilités après 4...Fg4 5. f3 Ff5 6. Cc3, ou 4...b5 5. Fb3 a5. Enfin, 4. Fe2 a récemment connu un regain de popularité; après 4...Cxd5, les blancs peuvent tenter de profiter de la position quelque peu passive du fou en d7.
3. Cf3 est un coup flexible qui, selon la réponse noire, peut transposer dans des lignes avec ...Cxd5 ou ...Dxd5.
3. Cc3 transpose dans une ligne de la défense Alekhine, généralement obtenue après 1. e4 Cf6 2. Cc3 d5 3. exd5; il s'agit d'une variante dans laquelle les deux camps disposent de chances égales. Après 3...Cxd5 4. Fc4, la réponse la plus courante est 4...Cb6; 4...Cxc3, 4...c6 et 4...e6 sont jouables également.
1.3 : Alternatives à 2.exd5
Les blancs peuvent éviter les lignes principales de la défense Scandinave de plusieurs manières. La première consiste à différer voire à éviter l'échange du pion e pour le pion d. On parvient à ce résultat en jouant 2. Cc3, avec transposition dans l'ouverture Dunst après 2...d4 ou 2...dxe4. Si les blancs jouent au lieu de celà 2. e5?!, les noirs peuvent adopter une bonne formation de type défense française, avec 2...c5 / développement du fou c8 / e6 (c'est une bonne défense Française, car le fou n'est pas coincé en c8). Les noirs obtiennent une position confortable : par rapport à la variante 3...c5 de la Caro-Kann (1.e4 c6 2.d4 d5 3.e5 c5), ils ont un temps d'avance (c5 directement au lieu de c6 puis c5). D'autres coups, tels que 2.d3, sont extrèmement rares.
Les blancs peuvent aussi gambiter le pion e. Pour ce faire, ils jouent le plus souvent 2.d4, transposant ainsi dans le populaire gambit Blackmar-Diemer. D'autres lignes sont possibles également, mais on les voit rarement, car elles ont très mauvaise réputation; citons 2.Cf3?! (gambit Tennison), 2.g4?! (gambit Zilbermints) et 2.d3 dxe4 3.Cc3.
Notons toutefois qu'aucune des ces lignes secondaires ne semble offrir aux blancs mieux que l'égalité, et que l'immense majorité des maîtres optent pour 2.exd5 lorsqu'ils sont confrontés à la Scandinave. De ce point de vue, la Scandinave est peut-être la réponse à 1.e4 qui "force" le plus les blancs, qui voient leurs possibilités limitées à un nombre de coups relativement restreint. Ceci expliquant celà, la défense Scandinave est très populaire chez les joueurs de club, même si la défense Sicilienne, par exemple, a plus de succès chez les GMs.
2 - La Scandinave au cinéma
La défense Contre-au-centre est employée par Ron Weasley dans le film Harry Potter et la pierre philosophale, sorti en 2001. Dans la scène en question, Ron (accompagné d'Harry Potter et Hermione Granger) doit jouer une partie d'Echecs sur un échiquier géant, avec des pièces géantes (il s'agit de l'un des tests à réussir pour remporter la Pierre Philosophale). Ron utilise cette défense pour vérifier que le jeu auquel ils jouent est en fait exactement similaire à Wizard's Chess (jeu dans lequel les pièces sont enchantées et se battent les unes contre les autres).
Les positions utilisées dans la scène ont été crées par le MI Jeremy Silman (on ne sait cependant pas vraiment si c'est lui qui a choisi l'ouverture).