On appelle
Défense Slave l'ouverture
commençant par les coups 1. d4 d5 2. c4 c6.
La Slave est l'une des défenses les plus utilisées face au gambit dame.
Analysée dès 1590, on ne commença toutefois à l'étudier à fond que dans
les années 1920. De nombreux maîtres d'origine slave participèrent au
développement de sa théorie, parmi lesquels Alapin, Alekhine,
Bogoljubov et Vidmar. La défense slave fut explorée sous toutes les
coutures en 1935 et 1937, lors des deux matchs de championnat du monde
Alekhine-Euwe. Jouée par onze des treize premiers champions du monde,
on compte parmi ses plus fervents adeptes Euwe, Botvinnik et Smyslov.
Plus récemment, la Slave a été adoptée par Anand, Ivanchuk, Lautier,
Short, ainsi que par d'autres grands joueurs, et Vladimir Kramnik l'a
utilisée dans six des huit parties qu'il a jouées avec les noirs lors
du Championnat du Monde 2006 (dans les deux autres, il joua sa proche
parente, la défense semi-slave). Aujourd'hui, la théorie de la défense
Slave est bien développée et très complète.
Considérations d'ordre général
Dans de nombreuses variantes du Gambit Dame Refusé (GDR), les noirs ont
à faire face à trois problèmes majeurs :
• Le développement de leur fou-dame est souvent
difficile, car celui-ci est fréquemment enfermé par ...e6.
• La structure de pions offre des cibles aux blancs,
ainsi que la possibilité d'une attaque de minorité sur l'aile-dame dans
la variante d'échange du GDR.
• Les blancs jouent souvent Fg5 pour clouer le
cavalier-roi noir (en f6) sur la dame, et le déclouage peut s'avérer
délicat.
La Slave s'attèle à la résolution de tous ces problèmes. Le fou-dame
des noirs n'est pas enfermé, la structure de pions reste équilibrée, et
les blancs ne menacent pas encore Fg5, étant donné que le pion e7 qui
n'a pas bougé empêche le clouage. De plus, si les noirs prennent plus
tard la décision de prendre le pion gambité, par dxc4, la
présence du pion en c6 permet ...b5, qui force la retraite du fou blanc
ayant capturé le pion en c4, avec gain de temps noir pour le
développement sur l'aile-dame.
En revanche, les noirs ne pourront probablement pas développer leur fou
dame sans abandonner le centre au préalable, par ...dxc4; de plus,
bouger ce fou peut laisser leur aile-dame affaiblie. Côté blanc, il est
à noter que la poussée thématique c5 perd en fait un temps.
On peut atteindre la position de la Slave dans différents ordres de
coups (Citons : 1.d4 d5 2.Cf3 Cf6 3.c4 c6 ou 1.Cf3 d5 2.c4 c6 3.d4 Cf6,
etc). En partant de la position standard, 1.d4 d5 2.c4 c6, les suites
les plus importantes sont :
3.Cc3 e5 (contre-gambit Winawer)
3.Cc3 e6 (défense semi-slave)
3.cxd5 cxd5 (variante d'échange de la slave)
3.Cf3 e6 (défense semi-slave)
3.Cf3 Cf6 4.Cc3 (ligne principale)
4... a6
4... dxc4 (slave acceptée)
5.a4 (variante Alapin)
5... Ca6
(variante Smyslov)
5... e6
(variante Soultanbéieff)
5... Ff5
(variante Tchèque)
6.e3 (variante Hollandaise)
6.Ce5 (attaque Krause)
6.Ch4
5... Fg4
(variante Steiner)
5.e3 (variante Alekhine)
5.e4 (gambit Slave)
4... e6 (défense semi-slave)
4... g6 (variante Schlechter)
3.Cf3 Cf6 4.e3 (Slave refusée)
Principales variantes
La variante d'échange de la Slave gâche carrément le plaisir que
peuvent avoir les noirs lorsqu'ils jouent cette défense. Après 3.cxd5
cxd5, la position symétrique laisse les blancs avec le seul avantage du
premier coup, mais cette situation très équilibrée n'offre aux noirs
que peu de chances de gain, à moins que les blancs ne se montrent
exagérément ambitieux. Pour éviter cette variante d'échange, les noirs
choisissent souvent l'ordre de coups 2...e6 suivi de 3...c6,
transposant sur une Semi-slave.
Les noirs peuvent aussi transposer dans la défense semi-slave en jouant
...e6 au troisième ou au quatrième coup. La défense semi-slave (une
sorte de mélange entre défense orthodoxe et défense slave) est une
ouverture à part entière assez complexe.
Après 3.Cc3, la pression sur le centre noir interdit 3...Ff5?, car sur
4.cxd5 cxd5, 5.Db3 permet aux blancs de gagner un pion. 3...Cf6 4.e3
Ff5 5.cxd5 cxd5 6.Db3 Fc8 ne marche pas non plus pour les noirs, car f4
et Cf3 suivi de Ce5 donne un gros avantage aux blancs. Les noirs
peuvent tenter le contre-gambit Winawer, 3.Cc3 e5 (qui fut présenté
pour la première fois lors de la rencontre Marshall–Winawer, Monte
Carlo 1901), mais la plupart du temps ils choisissent de transposer
dans la semi-slave en jouant soit 3...e6 soit 3...Cf6 4.Cf3 e6.
Cf3 est plus populaire que Cc3. Les blancs ont la possibilité d'éviter
les complexités de la slave acceptée en jouant la Slave refusée : 3.Cf3
Cf6 4.e3. On voit ensuite souvent 4...Ff5 5.cxd5 cxd5. Les blancs
tentent de profiter de l'absence du fou noir sur l'aile-dame, mais cela
ne suffit pas pour prendre l'avantage si les noirs jouent correctement.
La ligne principale se poursuit par les coups 3.Cf3 Cf6 4.Cc3.
Les noirs doivent éviter de jouer 4...Ff5, car ce coup permet aux
blancs de prendre l'avantage, soit par 5.Db3, soit par 5.cxd5 suivi de
6.Db3. Traditionnellement, les noirs choisissaient entre 4...e6 et
4...dxc4 avant de développer leur fou-dame, mais dans les années 1990,
le mouvement 4...a6 a fait son apparition, avec l'idée de développer
l'aile-dame sans enfermer le fou-dame ou renoncer au centre. Le coup
4...e6 transpose dans la Semi-Slave.
La Slave Acceptée continue avec le mouvement 4...dxc4.
La méthode blanche la plus cinglante consiste à jouer le Gambit Slave,
5.e4 b5. Les blancs enchaînent généralement avec le Gambit
Geller-Tolush, 6.e5 Cd5 7.a4 e6, mais il n'est pas évident que
l'attaque soit assez puissante pour compenser le pion sacrifié.
L'évaluation de cette ligne change au rythme des améliorations qui lui
sont apportées; mais, en 2005, on pense généralement que l'avantage est
aux noirs.
Les autres choix blancs possibles sur la Slave Acceptée sont 5.e3
(variante Alekhine) et 5.a4 (variante Alapin). Ces deux coups sont
populaires, 5.e3 étant plutôt solide, et 5.a4 plutôt agressif.
Avec 5.a4, les blancs parent le menaçant ...b5 et préparent 6.e4 et
7.Fxc4. Les noirs disposent de plusieurs réponses viables à l'avance
5.a4 blanche :
• La ligne 5...a6 peut s'avérer épineuse. Les noirs
s'apprêtent à s'accrocher au pion gambité, avec ...b5, et
la partie peut se voir transposée dans la complexe variante Meran de la
Semi-slave.
• Dans la variante Smyslov, 5...Ca6, l'intention des
noirs est d'obtenir du contre-jeu en menant leur cavalier en b4 : 6.e4
Fg4 7.Fxc4 e6 8.0-0 Cb4.
• La variante Tchèque peut être considérée comme la
ligne officielle. Avec 5...Ff5, les noirs empêchent 6.e4. Si les blancs
jouent 6.e3 (variante hollandaise), la partie peut continuer 6...e6
7.Fxc4 Fb4 8.0-0 0-0, avec un jeu très calme. 6.Ce5 (l'Attaque Krause,
ou variante Centrale) est plus énergique : l'intention des blancs est
de jouer f2-f3 et e2-e4 ou Cxc4, puis de placer leur fou-roi en
fianchetto, par g2-g3 et Fg2. Les noirs peuvent tenter 6...Cbd7
7.Cxc4 Dc7, qui laisse les blancs un peu mieux. Ils peuvent aussi jouer
6...e6 7.f3 Fb4 (à noter le complexe sacrifice de pièce 8.e4 Fxe4
9.fxe4 Cxe4, avec pour suite possible 10.Fd2 Dxd4 11.Cxe4 Dxe4+ 12.De2
Fxd2+ 13.Rxd2 Dd5+ 14.Rc2 Ca6).
• Dans la variante Steiner (également appelée
variante Bronstein), 5...Fg4, la possibilité 6.e4 e5 décourage souvent
les blancs de jouer e4. Le plus fréquemment, la partie se poursuit par
les coups 6.Ce5 Fh5.